Comment expliquer la pénurie de main d’œuvre dans le secteur de la sécurité privée ?

Pénurie de main d'oeuvre en sécurité privée

A l’aube d’événements majeurs en France – notamment la Coupe du Monde de Rugby en 2023 et les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 – et au lendemain de la promulgation de la Loi de Sécurité Globale, les professionnels font face à un problème de taille : une pénurie de main d’œuvre inédite que la crise sanitaire n’a fait que renforcer.

Une situation en passe de devenir inquiétante.

 

Une situation critique et des difficultés structurelles

Cette réalité n’est pas nouvelle. En 2016 déjà, l’État français sortait son « Panorama prospectif de la sécurité privée 2025 » et annonçait un secteur en pleine croissance qui fait face à « une forme de pénurie de personnes en situation de l’accompagner ». En 2019, UNI Global Union lançait un projet d’ampleur à l’échelle européenne pour répondre au turnover et au manque de personnel dans ce secteur. Et si la dernière pandémie a donné une certaine visibilité à la profession, elle a aussi mis en évidence cet état de fait, pour répondre notamment aux contrôles du pass sanitaire.

 L’État s’empare du sujet et adopte en mai 2021 la Loi de Sécurité Globale.

Concernant la sécurité privée, elle engage les acteurs vers une profonde remise en question de la profession. Entre réorganisation des modalités d’exercice, renforcement des conditions d’agrément et de délivrance de la carte professionnelle ou élargissement de la protection et des sanctions pour les agents en exercice, ces dispositions offrent une nouvelle orientation, sans pour autant apporter d’éléments suffisamment structurants pour engager une véritable révolution.

 Le marché est pourtant porteur. En 2019, il réalisait un Chiffre d’Affaires proche des 8 milliards d’euros, affichant un très léger repli de 0,25% en 2020 alors que l’ensemble des activités de soutien connaissait une baisse de plus de 11%. Mais l’activité, bien que dynamique, est aussi complexe. Elle rassemble un ensemble d’activités variées, allant de la sûreté aéroportuaire au transport de fonds, de la surveillance et la protection rapprochée à la sécurité électronique.

 Le secteur doit aussi répondre à des difficultés structurelles. La surveillance humaine connaît en particulier une forte pression à la baisse des prix et une sous-traitance accrue qui impacte la précarité des agents de sécurité. Le transport de fonds, pour exemple, s’organise dans un marché limité qui connaît un recul du cash et doit donc revoir son modèle économique. La sécurité événementielle, quant à elle, souffre de l’absence de reconnaissance et de régulation de la profession.

 

Un métier peu valorisé et peu considéré

Alors que les besoins en sécurité privée sont en constante augmentation et que les offres d’emplois se multiplient, pourquoi le secteur de la sécurité privé peine-t-il à recruter ?

La réponse pourrait tenir en une idée : les métiers de la sécurité ne font plus rêver.

Avec un taux de turnover de 93,5% en 2019 dans le secteur de la surveillance humaine et près de 70% des embauches en CDD, le caractère précaire de la profession n’offre pas de perspectives attrayantes.

Les entreprises qui acceptent de pratiquer le dumping des prix et de vendre à bas prix leur services – parfois tirés par le bas par les donneurs d’ordre – ne peuvent pas non plus proposer de salaires séduisants alors que la nature même du travail est de plus en plus difficile. En 2019, le secteur de la surveillance humaine présentait un revenu moyen brut allant de 1700 à 2100€, avec une faible revalorisation à 2,2% des minimas conventionnels et une prime de panier qui s’établit à 3,74€.

Le savoir-faire technique est pourtant exigé, avec une formation obligatoire (TFP-APS de 175 heures), attestant de compétences larges pour exercer le métier d’agent de sécurité. Mais c’est aussi du côté de la formation que le bât blesse. Avec un niveau d’exigence trop faible à l’examen, des disparités importantes au sein des centres de formation et une restriction de l’accès à la profession depuis la Loi Sécurité Globale, les nouveaux arrivants sur le marché sont loin de pouvoir remédier à la problématique actuelle.

Quant aux réalités de terrain, les conditions d’exercice contraignantes – station debout, en extérieur et horaires décalés – et les missions confiées peu intéressantes ou sans grande valeur ajoutée, ne présentent pas d’avantages suffisants pour faire prospérer le vivier de candidats.

Enfin, les agents de sécurité, encore considérés comme de simples « vigiles », souffrent d’un manque de reconnaissance sociale, de faibles opportunités d’évolution et les fonctions d’encadrement sont, en règle générale, mal structurées.

Pour toutes ces raisons, les métiers de la sécurité privée sont souvent des emplois refuge qui n’engendrent que peu de vocations.

 

Pourtant, à l’heure où les entreprises sont confrontées à des risques en constante évolution et pour assurer les grands événements en 2023 et 2024, la sécurité s’annonce comme une réelle priorité. A la veille de ces échéances, de nouvelles solutions vont-elles être envisagées ?