Mesures sanitaires et reprise de l’activité : la sûreté ne doit pas être reléguée au second plan

Mesures sanitaires et sûreté

Risque sanitaire et reprise de l’activité

Le 11 mai 2020, la France est entrée dans la deuxième phase de la lutte contre la pandémie de COVID 19. La reprise de l’activité liée au déconfinement est depuis soumise à la mise en place de mesures sanitaires strictes à l’entrée et à l’intérieur des espaces recevant du public (visiteurs ou personnels).

Ces protocoles sanitaires, suivant les recommandations des autorités sanitaires françaises, prennent plusieurs formes dont les plus communes sont : le port du masque obligatoire, la limitation de la capacité des sites, le respect d’une distance de sécurité d’un mètre, la distribution de gel hydroalcoolique, etc.

 

Le COVID-19 : un nouveau risque à intégrer dans une analyse globale

L’une des problématiques majeures de la crise actuelle concerne l’intégration de ces mesures sanitaires dans le contexte sécuritaire français, autrement dit la conciliation entre sécurité sanitaire et sûreté.

Sur l’aspect opérationnel, la pandémie de COVID 19 ne doit pas occulter les autres facteurs de risques mais s’intégrer à une analyse globale, dont les contre-mesures doivent constituer un schéma directeur complet et cohérent. Sur le plan budgétaire, le financement des mesures sanitaires ne doit pas se faire au détriment des budgets alloués à la sûreté.

L’enjeu sanitaire reconfigure l’espace public et nos habitudes, et vient se greffer à un enjeu sécuritaire protéiforme, particulièrement prégnant sur le territoire français depuis les attentats de 2015.

A ce sujet, les services de renseignements français ont rappelé pendant la période de confinement que la menace terroriste restait présente sur le territoire, sans discontinuité par rapport à la crise sanitaire. Outre la menace terroriste, plusieurs mises en garde ont également été formulées concernant une potentielle augmentation de la délinquance, des mouvements sociaux, voire subversifs.

La crise économique qui se profile aura sans aucun doute un impact conséquent sur la précarisation d’une partie de la société française, qui se traduira par l’augmentation des revendications politiques et sociales. Il est envisageable que la portée médiatique de certains lieux touristiques soit utilisée pour servir de plateforme à certaines revendications, ou que des événements et sites tertiaires soient ciblés en raison de leur nature et activités.

Un troisième risque identifié concerne la possibilité d’une augmentation des critiques visant les mesures sanitaires, et le refus de s’y plier pour certaines personnes. Il en va de même pour les mesures de sécurité à l’entrée des sites. Ces contestations pourraient prendre une forme individuelle (refus d’un visiteur, situation au cas par cas, tensions entre visiteurs) ou le développement d’actions organisées.

 

Concilier risque sanitaire et niveau de sûreté

Sans remettre en cause la pertinence des mesures prises pour lutter contre la propagation du COVID-19, une analyse des protocoles sanitaires sous l’angle de la sûreté donc en lien avec les dispositifs visant à garantir la sécurité des visiteurs impose de manière non exhaustive les constats suivants :

  • Les mesures sanitaires créent un ralentissement du flux à l’entrée des sites et ont tendance à entrainer une stagnation des visiteurs sur l’espace public. Ce point était déjà au centre de l’attention des pouvoirs publics et des organisateurs de grands rassemblements, avec la création de périmètre de sécurité et de dispositif de double peau, dont la configuration devra être étudiée à nouveau. D’autres acteurs doivent aujourd’hui intégrer ce risque : par exemple, les mesures prises par les grandes surfaces afin de garantir les distanciations physiques créent des files d’attente importantes sur l’espace public ou sur les parkings exposant ainsi les visiteurs à un véhicule bélier ;
  • La distance de sécurité d’un mètre entre deux personnes a également des conséquences sur la nature des contrôles de sécurité à l’entrée des sites. La palpation, jusqu’à présent le dispositif le plus courant, ne permet pas de maintenir cette distance entre l’agent de sécurité et le visiteur. Il sera nécessaire sur ce point d’amorcer une réflexion sur la pertinence des différents dispositifs de contrôle (portique de détection de masse métallique, bornes d’inspection à ondes millimétriques, etc.) et leur capacité à traiter les risques dans leur globalité ;
  • La généralisation du port du masque rentre en contradiction avec l’interdiction de se cacher ou de se couvrir le visage dans l’espace public prévu par la législation française. Cette mesure pourrait renforcer le sentiment d’impunité lié à l’anonymat, entraver le travail de détection précoce d’individus malveillants, ou encore inhiber l’identification des auteurs de passage à l’acte.

Ces constats imposent la nécessité de prendre en compte les conséquences des mesures sanitaires sur le schéma directeur sûreté et d’intégrer le cas échéant des mesures compensatoires de manière à limiter l’impact sur le niveau de sûreté (protection des files d’attente contre les véhicules bélier, obligation à un instant T de retirer son masque, renforcer les équipements de protection individuelle pour maintenir les modes de contrôle de sécurité, recherche de nouvelles technologies, etc.). Ce travail devra également être réalisé en intégrant les paramètres de l’expérience visiteur, afin de rendre acceptable ces mesures.

Sur le plan sanitaire, la crise du COVID 19, par son caractère inédit, a surpris la quasi-totalité des observateurs, comme sur le plan terroriste les attentats de 2015 avaient surpris par leur mode opératoire inédit sur le territoire français.

Dès lors, il nous semble opportun de repenser la manière dont les analyses de risques sont prises en compte et les plans de traitement mis en application, ainsi que de repositionner la fonction sûreté vis-à-vis des contraintes économiques, marketings ou encore politiques.